L’introduction du signifiant « école » dans le champ psychanalytique répond à un constat : la structure des groupes artificiels (künstliche Massen) dont se constituent ordinairement les collectifs, ne convient pas pour abriter le groupe analytique : leur consistance moïque en exclut toute implication du sujet, et l’un-en-plus (chef visible ou invisible), qui en tant qu’objet commun d’amour fonde et garantit l’existence du groupe, y occulte le savoir dont la cure analytique procède. Freud a montré dans sa Massenpsychologie que le fonctionnement de ces groupes s’apparentait à l’hypnose dont l’abandon lui a ouvert le champ de l’inconscient.
À quelles conditions une association pourrait-elle avoir une autre fonction que d’assistance mutuelle contre le discours analytique ? Quelles structures collectives pourraient ne pas démentir le réel en jeu dans la psychanalyse ? La réponse que constitue l’école désigne ce réel comme le réel d’où se forme l’analyste.
Lacan a proposé deux formations d’école : les cartels et la procédure de la passe. La structure des cartels ne s’oppose en effet pas aux effets de sujet et leur tourbillon permet de tisser entre les membres de l’École des liens de travail qui subvertissent le rapport maître-élèves dont procède le discours universitaire ; le dispositif de la passe permet de nommer les Analystes de l’École, nomination qui, effectuée grâce à un nouage entre trois positions subjectives distinctes (passant, passeurs, jury), est nomination du réel d’où l’analyste opère et non pas nomination à une fonction psychanalytique.
L’École de psychanalyse Sigmund Freud est née trente ans après la fondation de l’École freudienne de Paris. En France, trois écoles sont nées dans les suites de la dissolution de cette première école : l’École de la Cause freudienne, L’École freudienne et l’École lacanienne de psychanalyse. L’École de psychanalyse Sigmund Freud se situe dans un troisième temps.
Il y a du réel dans la passe du psychanalysant au psychanalyste et ce réel est précisément ce qu’une école se donne pour tâche de ne pas démentir dans sa formation. Pour des raisons historiques repérables, ce réel fut, par les deux premières générations d’écoles, spécifié d’un qualificatif : « freudien » ou « lacanien ». Adjectiver un nom propre n’est pas sans effets : le réel dont ce nom n’est qu’un tenant lieu se trouve dès lors revêtu des significations que le qualificatif comporte pour l’école qui s’en désigne.
Nous avons tenté de tirer enseignement des expériences des deux premières générations d’écoles et considérons que, dans le moment de l’histoire du mouvement analytique qui est le nôtre, nous pouvons supporter le réel de l’expérience où sont enracinés les dires de Freud et de Lacan et dont leurs travaux ont fait élaborations théoriques et bout d’écritures ; nous devons donc affronter le réel que le nom de psychanalyse met en jeu, réel qui comme tel ex-siste à toute qualité et signification. Notre école est donc École de psychanalyse qui reconnaît en Sigmund Freud celui qui eut le privilège de découvrir l’inconscient et ses lois, celui par qui la psychanalyse prit nom et entra dans l’histoire.
Aussi bien entendons-nous par là souligner la responsabilité de la psychanalyse devant le malaise d’une civilisation marquée par le discours de la science et ses effets : suture du sujet et dégénérescence de la fonction du nom.